30 novembre 2019

Devenir Chef De File Grace Aux Resultats Et a La Valeur : Une Necessite Pour Les Soins De Sante

Par Neil Fraser, président de Medtronic Canada et Melicent Lavers-Sailly, chef principale, Engagement des intervenants et stratégie, Medtronic Canada INTRODUCTION De l’invention du premier...

Par Neil Fraser, président de Medtronic Canada et Melicent Lavers-Sailly, chef principale, Engagement des intervenants et stratégie, Medtronic Canada

 

INTRODUCTION

De l’invention du premier téléphone fonctionnel à celle du premier stimulateur cardiaque, en passant par la découverte de l’insuline, le Canada trouve des solutions à d’importants problèmes depuis bien longtemps. Dans les années 1960, inspiré par le lancement des soins de santé universels en Europe, Tommy Douglas fait adopter l’assurance maladie afin que les Canadiens évitent la faillite due aux coûts de soins de santé. Des décennies plus tard, l’assurance maladie demeure une source considérable de fierté nationale.

Aujourd’hui, le téléphone analogique a évolué vers le téléphone intelligent, qui est doté d’une technologie plus avancée que celle utilisée pour amener le premier homme sur la lune[i]. L’insuline peut maintenant être administrée par des pompes à insuline en boucle fermée hybrides, sans les inconvénients des injections quotidiennes multiples. Les stimulateurs cardiaques sont passés de grands boîtiers branchés dans les murs à des dispositifs implantables, alimentés par piles et aussi petits qu’une Tic Tac. Mais notre système de soins de santé a eu de la difficulté à innover : il est toujours axé sur le remboursement de courtes périodes de traitement en milieu hospitalier, où les soins primaires sont prodigués presque exclusivement par des médecins selon le modèle de rémunération à l’acte. Cela ne veut pas dire que les Canadiens n’ont pas élaboré de politiques, de technologies ou de processus novateurs en matière de soins de santé (p. ex. le rapport Lalonde de 1974 ou le rapport Naylor de 2015); ces innovations ne sont simplement pas très répandues et pas toujours adoptées au Canada et nous ne récoltons pas les résultats potentiels sur le plan de l’efficacité clinique et de la rentabilité.

Au lieu de cela, les gouvernements ont créé le « théâtre de processus », un concept décrit par Steve Blank dans la Harvard Business Review :

« [...] les organismes gouvernementaux se sont rendu compte que les processus et les mesures qu’ils mettent en place pour optimiser l’exécution (approvisionnement, personnel, sécurité, services juridiques, etc.) sont des obstacles à l’innovation. Les efforts de réforme et de refonte sont de bonnes intentions, mais sans une stratégie globale d’innovation, c’est comme construire des châteaux de sable sur la plage. Le résultat est un théâtre de processus[ii]. » [traduction]

Les conséquences du « théâtre de processus » dans le domaine des soins de santé sont triples : notre performance en matière de soins de santé a souffert (comme le décrit le rapport Naylor de 2015[iii]), les Canadiens ont un accès limité ou sous-optimal à certains traitements qui se rapprochent davantage des normes de soins dans d’autres pays (comme la neuromodulation, l’implantation transcathéter de valvule aortique ou la chirurgie robotisée[iv]), et notre secteur de la santé lutte pour attirer des investissements au pays.

La performance de notre système de soins de santé se situe actuellement dans le quartile inférieur des classements internationaux, comme ceux publiés par le Fonds du Commonwealth (2017). Le Canada accuse un retard par rapport à d’autres pays dans plusieurs domaines clés, notamment l’accès (10e sur 11 pays), l’équité, l’efficacité et les résultats sur la santé[v]. Le rapport de 2019 de l’Institut Fraser, qui compare la performance de 28 pays offrant les soins de santé universels (ou presque universels) en matière de coûts et de résultats, a conclu que « bien que le Canada soit l’un des pays de l’OCDE où l’accès universel aux soins de santé est le plus coûteux, sa performance est modeste, voire faible » [traduction]. En ce qui concerne l’innovation en matière de santé, le Canada se classe 12e sur 16 pays semblables, derrière la Suède, la Suisse, le Danemark, les États-Unis et la Finlande[vi].

Alors, qu’est-ce qui freine l’innovation des soins de santé au Canada?

D’un côté, nos politiques d’innovation sont principalement axées sur l’offre d’innovation (p. ex. par l’intermédiaire du développement économique, comme la création de supergrappes), ce qui a permis de constituer un important bassin de talents comprenant d’excellents chercheurs au Canada. De l’autre, nous ne nous sommes pratiquement pas concentrés sur les politiques qui répondent à la demande d’innovations découlant de ce bassin de talents et de la recherche. Pire encore, notre « théâtre de processus » rend la faible demande d’innovations difficile à satisfaire parce que nous n’avons pas réussi à préparer le marché canadien à l’adoption d’innovations à grande échelle et axée sur la durabilité[vii]. En conséquence, le potentiel d’innovation du pays n’a pas été réalisé[viii].

Les politiques d’innovation axée sur la demande sont définies comme « toutes les mesures publiques visant à encourager les innovations ou à accélérer leur diffusion en augmentant ou en précisant la demande et en définissant de nouvelles exigences fonctionnelles pour les produits et les services[ix] » [traduction]. Elles stimulent la croissance en reconnaissant le lien de rétroaction entre l’offre et la demande dans le processus d’innovation[x] et en trouvant les solutions novatrices nécessaires pour que les gouvernements puissent résoudre d’importants problèmes – comme répondre au besoin croissant de services de soins de santé coûteux – avec les investissements économiques dont les innovateurs ont besoin.

Jakob Edler, directeur général du Fraunhofer Institute for Systems and Innovation Research, résume bien le problème du Canada :

« Une politique en matière de science, de technologie et d’innovation qui continue de mettre l’accent sur le renforcement de l’approvisionnement tout en laissant la demande aux forces du marché se contentera d’améliorer lentement les performances de l’économie et de la société en matière d’innovation au lieu de s’attaquer énergiquement aux défis économiques et sociétaux à venir[xi]. » [traduction]

Le système de soins de santé canadien est actuellement à la traîne.

C’est pourquoi nous devons mettre l’accent sur des politiques novatrices axées sur la demande qui permettent au secteur public de demander plus facilement des solutions innovantes pour l’aider à résoudre les problèmes sociétaux, qui l’encouragent à adopter ces solutions et qui facilitent le processus d’approvisionnement et d’adoption des innovations.

Le gouvernement fédéral a décidé de se concentrer sur les possibilités de développement économique en matière de soins de santé lorsqu’il a lancé la Table de stratégies économiques pour le secteur des sciences biologiques et de la santé (la Table) en 2017. Les membres de la Table ont formulé cinq recommandations, dont trois portaient sur des politiques d’offre en matière de TI, de ressources humaines et de capital, et deux sur des politiques d’innovation axée sur la demande en matière de santé relativement à l’approvisionnement et aux règlements.

Pour accélérer l’adoption d’innovations, les membres ont recommandé d’utiliser des principes d’approvisionnement basés sur la valeur. Concrètement, cela se traduirait par :

1)       la collaboration avec les provinces et les territoires dans le cadre d’un effort conjoint visant à mettre en œuvre des outils pour l’adoption des principes d’approvisionnement basés sur la valeur;

2)       l’application des principes d’approvisionnement basés sur la valeur aux services de soins de santé fournis par le gouvernement fédéral;

3)       la création ou l’adaptation d’un organisme fédéral actuel qui aurait un mandat commun en matière de santé et de développement économique semblable à celui du NHS Innovation Accelerator du Royaume-Uni.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre les principes d’approvisionnement basés sur la valeur, le gouvernement fédéral a annoncé un financement de 20 millions de dollars pour faire croître les entreprises canadiennes, et ce, par l’intermédiaire de la création du Réseau de santé CAN : un marché intégré où toute entreprise canadienne peut facilement offrir ses produits à plusieurs hôpitaux du réseau. Malheureusement, il s’agit essentiellement d’une solution provisoire qui ne s’attaque pas aux fondements d’une stratégie efficace d’innovation axée sur la demande.

Les gouvernements provinciaux ont connu des hauts et des bas relativement à leurs propres politiques d’innovation axée sur la demande, y compris au sein de l’ancien Bureau du stratège en chef de l’innovation de l’Ontario, du Bureau du stratège de l’innovation du Québec et des réseaux cliniques stratégiques de l’Alberta : ces instances ne peuvent que suggérer des solutions et ne disposent ni des outils ni des pouvoirs nécessaires à la mise en œuvre de leurs recommandations ou de stratégies axées sur la demande.

Les provinces du pays devraient s’inspirer des modifications apportées récemment (le 9 novembre 2019) à la réglementation en Allemagne afin d’améliorer l’adoption d’outils et de processus de santé numériques. Parmi les points saillants, mentionnons la possibilité pour les médecins de prescrire des applications médicales et de promouvoir les services de télésanté (avec des codes de frais pour la prestation du service) et l’allocation de 200 millions d’euros par année pour le financement de projets de soins de santé novateurs[xii]. Moins d’une semaine après l’annonce allemande, l’Ontario a fait part de sa propre stratégie pour améliorer l’accès à la télésanté, y compris un meilleur accès aux rendez-vous par vidéo avec un médecin et un meilleur accès aux dossiers de santé pour les patients et les fournisseurs de soins de santé[xiii].

Que ce soit pour la télésanté ou autre, les gouvernements fédéral et provinciaux actuels doivent évaluer les résultats qu’ils veulent atteindre en matière de soins de santé, travailler avec les innovateurs pour atteindre les résultats souhaités et s’assurer que les politiques de santé appuient l’adoption de ces innovations au lieu d’en empêcher l’accès. Il existe trois raisons principales pour lesquelles les politiques actuelles font obstacle à l’innovation en matière de soins de santé au Canada : les mécanismes de financement, l’approvisionnement et le remboursement. 

FINANCEMENT

SYSTÈMES DE RÉMUNÉRATION À L’ACTE

Les médecins canadiens continuent d’être rémunérés principalement selon des modèles de rémunération à l’acte; en 2016, environ 72 % de tous les honoraires des médecins au Canada étaient versés selon ces modèles[xiv]. En récompensant le volume des services plutôt que leur valeur, ces modèles de paiement découragent l’adoption de technologies novatrices, la modernisation de la main-d’œuvre et une coordination plus complète des soins qui pourraient réduire les coûts de prestation tout en améliorant les résultats pour les patients.

Il ne fait aucun doute que les médecins devraient être rémunérés adéquatement pour leur travail. La question n’est pas de savoir combien ils sont payés, mais plutôt de déterminer ce pour quoi ils sont rémunérés, c’est-à-dire leur champ d’exercice, et de s’assurer qu’ils sont encouragés à produire des résultats et non à accomplir des tâches. De nombreux pays s’éloignent du modèle de rémunération à l’acte au profit d’autres modèles de paiement basés sur la valeur, qui associent le paiement à l’atteinte d’objectifs précis liés aux résultats pour les patients, aux coûts ou à la qualité[xv]. En Ontario, des modèles de capitation mixte ont vu le jour, où les médecins sont rémunérés par patient pour une population de patients. Certaines données probantes indiquent que ces nouveaux modèles de financement peuvent réduire les soins inutiles (de faible valeur), mais les détails concernant le niveau de mesures incitatives et les risques assumés par les médecins doivent être examinés attentivement[xvi], [xvii].

Au Royaume-Uni, le modèle de paiement des salaires pour les médecins de famille implique une parité salariale entre les médecins de famille et les spécialistes, et les médecins de famille assument l’aiguillage. Ce n’est donc pas un hasard si ce pays se hissait au premier rang du classement du Fonds du Commonwealth en 2017, notamment en raison de la force de son système de soins primaires. Le Canada arrivait bon dernier de ce même classement (soit 11e sur 11 pays) pour la rapidité d’accès à des soins primaires.

CODES DE FRAIS

Le problème avec les modèles de rémunération à l’acte est qu’au lieu d’encourager la création de populations en meilleure santé, ils encouragent la prestation de services plutôt que les résultats pour les patients[xviii]. Par exemple, les codes de frais de l’Assurance-santé de l’Ontario (OHIP) peuvent devenir rapidement désuets. Les administrations canadiennes disposent de mécanismes, par l’entremise de leurs organismes respectifs d’évaluation des technologies de la santé (ETS), pour examiner les technologies émergentes qui sont bénéfiques sur les plans clinique et économique par rapport à la norme actuelle de soins. Toutefois, il n’y a pas de lien direct entre les ETS et la création d’un code correspondant de l’OHIP. Une autre question se pose, et c’est tout aussi important pour l’adoption de nouveaux processus et d’innovations, lorsque de nouvelles données recommandent le retrait de services de faible valeur ou qui ne sont tout simplement plus appuyés par des données probantes. Naturellement, les médecins au Canada qui sont assujettis à des barèmes d’honoraires ont tendance à fournir uniquement des services pour lesquels ils peuvent être rémunérés. Par conséquent, de nombreux patients au Canada ne reçoivent pas les traitements les plus appropriés puisque leurs fournisseurs de soins ne sont pas en mesure d’être payés selon le modèle de rémunération à l’acte. 

L’absence de mécanisme rapide pour créer de nouveaux codes de frais a un effet considérable sur l’adoption de technologies et de services novateurs. L’exemple le plus simple est le fait que la plupart des médecins n’ont pas de code de frais pour les consultations téléphoniques, ce qui signifie non seulement que leurs patients sont obligés de se déplacer pour les consulter en personne, mais aussi que les innovations numériques en santé sont adoptées de façon limitée au Canada.

Un autre exemple est celui de BresoTec, en Ontario, qui a conçu un dispositif de prévention de l’apnée du sommeil que les patients peuvent utiliser dans le confort de leur domicile plutôt que de passer la nuit dans un laboratoire du sommeil. BresoTec a eu de la difficulté à vendre le dispositif sur le marché canadien parce que les médecins sont payés pour envoyer un patient à un laboratoire du sommeil (l’activité) et non pour diagnostiquer un trouble du sommeil efficacement (le résultat), et il n’y a pas de code de frais pour la recommandation du dispositif. Il n’est pas difficile d’imaginer que s’il avait le choix, le patient préférerait faire le test à la maison.

PureWeb (anciennement Calgary Scientific), en Alberta, a connu des problèmes similaires après avoir créé un service de radiologie à distance qui permet, par l’entremise du nuage informatique, de transmettre des images médicales à un radiologue afin de recevoir un diagnostic. Encore une fois, ce service ne figure pas dans les barèmes d’honoraires provinciaux, de sorte qu’il a de la difficulté à percer au Canada.

Il est à noter que les deux entreprises ont bien réussi à exporter leurs technologies vers d’autres pays. Pour ajouter à cette ironie toute canadienne, grâce aux politiques d’innovation axée sur l’offre, les deux entreprises ont reçu du soutien financier de leur province pour lancer leurs activités, mais l’achat de leurs produits commercialisés par leur système de soins de santé respectif s’est avéré problématique à cause de l’absence de politiques d’innovation axée sur la demande. Plus important encore, cela signifie que les Canadiens ne profitent pas de ces innovations mises au point localement.

MODERNISATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE

Au Canada, la rémunération à l’acte fait l’objet d’un examen plus attentif. Le récent rapport d’un groupe d’experts sur les finances de l’Alberta a recommandé que la province réduise son déficit budgétaire en intégrant d’autres modes de rémunération pour les médecins afin de remplacer la rémunération à l’acte et en faisant appel à des professionnels de la santé moins coûteux, comme des infirmiers praticiens [xix] . Il a souligné que l’Ontario et la Colombie-Britannique devancent l’Alberta en matière de modernisation de leur système de soins de santé grâce à l’adoption d’autres modèles de paiement et à l’exploitation de solutions extrahospitalières relatives aux soins. Toutefois, ces foyers d’innovation en matière de prestation de soins de santé ne sont pas généralisés.

Dans son livre intitulé Human: Solving the Global Workforce Crisis in Healthcare, Mark Britnell, auteur et chercheur chez KPMG, soutient que les gouvernements et les employeurs du secteur de la santé doivent faire en sorte que les professionnels de la santé puissent se consacrer aux tâches spécialisées de leur permis d’exercice, avec l’appui des organismes de réglementation, pour pallier les contraintes liées à la disponibilité et aux coûts de la main-d’œuvre.

Beaucoup d’organismes et de systèmes du domaine de la santé se concentrent encore exclusivement sur les problèmes de personnel. Au lieu de cela, il faut repenser toute l’approche pour s’assurer de ne jamais perdre de vue les ressources humaines. Les conseils d’administration du système de santé, y compris des hôpitaux, doivent au moins accorder aux personnes la même priorité qu’aux finances[xx].

En Inde, plusieurs hôpitaux accordent la priorité absolue au capital humain comme moyen de fournir d’excellents soins tout en maintenant de faibles coûts. Dans le livre Reverse Innovation in Healthcare: How to Make Value-based Delivery Work, les auteurs soulignent qu’en confiant aux infirmiers, aux chirurgiens débutants et aux ambulanciers paramédicaux des tâches courantes, les meilleurs hôpitaux en Inde s’assurent que les professionnels de la santé les plus coûteux se consacrent aux tâches spécialisées de leur champ d’exercice[xxi]. Par exemple, pendant une intervention chirurgicale courante dans les hôpitaux Narayana en Inde, un chirurgien débutant s’occupe de l’ouverture du thorax et du prélèvement d’une veine, tandis qu’un chirurgien expérimenté se consacre à la partie la plus exigeante de l’intervention. Ils passent ensuite au patient suivant. De plus, les tests préopératoires et postopératoires sont réalisés par les ambulanciers paramédicaux et, dans certains hôpitaux, les familles sont formées pour veiller sur les patients après un séjour en unité des soins intensifs (USI).

Si nous ne modernisons pas la gestion de la main-d’œuvre dans les soins de santé, nous risquons d’épuiser les deux tiers du reste des médecins et des infirmiers souffrant déjà de niveaux élevés de stress, de traumatismes psychiques ou d’épuisement liés au travail[xxii].

FINANCEMENT DES HÔPITAUX

S’est ajouté au problème d’accès limité le fait que les budgets globaux, source financière de la plupart des hôpitaux canadiens, sont habituellement répartis en totalité au moment où ils sont approuvés chaque année, ce qui laisse peu, voire aucune possibilité d’investir dans de nouvelles technologies ou de nouveaux processus qui pourraient améliorer les résultats ou générer des économies à long terme.

Le problème est encore aggravé par les niveaux élevés de fragmentation ou de limitation des budgets. Par exemple, il peut arriver qu’un dispositif soit en mesure d’aider les victimes d’un accident ischémique cérébral (AIC) à obtenir leur congé de l’hôpital en deux jours au lieu de plusieurs semaines. Dans un tel cas, bien que le service de radiologie paie pour le dispositif, cela génère des économies pour le service des urgences ou de rééducation. Dans ce contexte, le service des urgences peut difficilement adopter une telle innovation, même si en fin de compte les résultats sont meilleurs pour les patients ayant subi un AIC.

Dans son article de janvier 2019 pour Rotman Management Magazine, intitulé « Fighting Fragmentation in Healthcare: A Modest Proposal », Will Mitchell soutient que le principal défi dans les soins de santé n’est pas le manque de financement, d’engagement ou de compétences individuelles, mais plutôt les niveaux élevés de fragmentation. 

« Avec une atténuation du chevauchement des mesures incitatives pour l’innovation, le partage des coûts, les avantages du cycle de vie et les autres besoins des patients et du système, les soins de santé s’en trouveraient incontestablement améliorés... Le problème central, c’est que ceux qui doivent payer pour les produits et les services générant des gains de coûts et de qualité pour le système ne profitent souvent pas des avantages générés et, par conséquent, ne prennent pas souvent de décisions au profit de l’ensemble du système[xxiii]. » [traduction]

Dans un contexte où les médecins sont incités à accomplir des tâches plutôt qu’à obtenir des résultats et où les budgets des services sont attribués en vase clos, personne n’est encouragé à recourir à des fournisseurs de soins de santé moins coûteux ni à adopter des innovations qui, même si elles sont coûteuses pour un service, généreraient des économies pour l’ensemble du système de santé ou de l’hôpital.

Aux États-Unis, la création des Accountable Care Organizations (ACO) a commencé à amener les soins de santé à suivre le principe d’axer la prestation des soins de santé sur les résultats. Comme le définit le North American Observatory on Health Systems and Policies :

« Les ACO sont composées de groupes de médecins, d’hôpitaux et d’autres fournisseurs de soins de santé qui se réunissent à titre volontaire pour fournir et coordonner des soins de haute qualité. Dans l’ensemble, ils visent à améliorer la coordination et l’intégration des soins en harmonisant les mesures incitatives parmi les prestataires et les payeurs[xxiv]. » [traduction]

Cette vision de la prestation des soins de santé contribue à recentrer les ressources limitées de ce secteur sur l’amélioration des soins prodigués aux patients et, surtout, sur l’obtention de meilleurs résultats.

POLITIQUES D’APPROVISIONNEMENT

L’approvisionnement public constitue un outil clé dans la gamme de politiques d’innovation axée sur la demande. Au Canada, le manque de souplesse dans les soins de santé est aussi étroitement lié à l’inefficacité des politiques d’approvisionnement au sein des hôpitaux. Bien qu’elles ont été élaborées avec de bonnes intentions à des fins de normalisation et d’économies de coûts, ces politiques peuvent s’avérer improductives et nuire à l’obtention des avantages cliniques et économiques à court et à long terme qu’offrent les nouveautés en matière de traitements, de services et de technologies.

Trop souvent, les équipes d’approvisionnement choisissent des produits et des services presque uniquement selon les prix d’achat les plus bas, même si d’autres options plus chères à court terme ont le potentiel de générer d’importantes économies et d’améliorer les résultats pour les patients à long terme. L’enjeu réside donc dans le choix des prix d’achat les plus bas au lieu d’évaluer la valeur globale apportée au système.

Par conséquent, nos processus d’approvisionnement par l’achat en gros nuisent à l’innovation et à la performance dans les soins de santé, le tout avec peu de considération pour l’efficacité opérationnelle et les résultats pour les patients.

Pour compliquer les choses, les services et le personnel d’approvisionnement sont habituellement externes ou basés dans le sous-sol des hôpitaux, à part des lieux de prestation des soins, ce qui les rend souvent déconnectés des équipes cliniques. Il est donc difficile pour eux de comprendre en quoi leurs décisions influencent les résultats cliniques. Il faut donc que les professionnels de l’approvisionnement, les cliniciens et les innovateurs collaborent de façon transparente pour relever les défis en soins de santé.

Il serait également judicieux de s’inspirer de l’approvisionnement en Europe et dans tout le secteur privé, où de nouvelles méthodes d’approvisionnement basées sur la valeur sont adoptées depuis longtemps. Selon la société McKinsey, le Royaume-Uni et la Suède sont les premiers pays à s’être inscrits dans cette vision, tandis que l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Espagne suivent de près l’évolution des pratiques d’approvisionnement[xxv].

Le Danemark fait aussi partie des pays qui adoptent des politiques d’innovation axée sur la demande dans le but d’améliorer à la fois les résultats pour les patients et le développement économique. Au cours des dernières années, le pays a adopté des modèles d’approvisionnement basés sur la valeur, de sorte que les acheteurs doivent tenir compte de la qualité, de l’innovation, de la durabilité et du cycle de vie des produits[xxvi].

Lors de la table ronde internationale de Copenhague sur l’approvisionnement tenue en février 2019, Lars Dahl Allerup, le nouveau directeur du développement commercial de la région de la capitale du Danemark, a communiqué la stratégie d’approvisionnement public de nouvelle génération de la région. Parmi les politiques d’innovation axée sur la demande présentées, deux se sont démarquées. La première est le modèle d’approvisionnement basé sur la valeur pour Copenhague, qui est un modèle de nouvelle génération toujours en cours de développement. Le modèle tient compte de trois sources de valeur :

  • L’amélioration de la productivité;
  • La réduction du recours à d’autres services de soins de santé;
  • L’amélioration des résultats pour les patients. 

La deuxième est une feuille de route sur l’utilisation de l’approvisionnement stratégique pour stimuler les investissements, l’accès au marché et la collaboration transfrontalière, tout en gardant l’accent sur les résultats pour les patients et les économies de temps et de coûts. 

Avec ce type de pensée novatrice et la promotion de l’adoption de politiques d’innovation axée sur la demande pour améliorer les résultats économiques et sur la santé, il n’est pas surprenant que le Danemark, même si sa population est six fois moins importante que celle du Canada, accueille de nombreuses grandes multinationales du domaine de la santé (y compris Novo Nordisk, Coloplast et Leo Pharma) ainsi que 1500 autres petites entreprises des sciences de la vie.

Bien qu’il s’agisse d’un cas spécial, le Southlake Regional Health Centre en Ontario constitue un exemple remarquable d’approvisionnement basé sur la valeur au Canada. En effet, cet établissement a reconnu le lien entre l’approvisionnement et l’innovation et a misé sur le dialogue compétitif pour mettre en place des mesures de performance clés, au lieu de simples produits. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les prix, cet hôpital a aussi tenu compte des facteurs suivants :

  • La valeur d’un produit ou d’un service au-delà de son prix;
  • Les résultats pour les patients (p. ex. l’accélération du temps de récupération ou la réduction du risque de réhospitalisation);
  • Le cycle de vie et la longévité des dispositifs;
  • Le produit ou le service qui répond le mieux aux besoins de chaque patient.

Les résultats de cette nouvelle approche en matière d’approvisionnement sont prometteurs. Grâce aux économies prévues en raison des améliorations opérationnelles (qui s’inscrivaient dans sa demande de proposition), l’hôpital Southlake a pu réaffecter des fonds pour financer les options de traitement les plus récentes. En améliorant l’accès aux technologies médicales les plus avancées, cela devrait améliorer les résultats pour les patients.

L’hôpital Southlake demeure toutefois l’exception. Au Canada, il faut accroître l’innovation en matière d’approvisionnement dans le secteur public afin que d’autres hôpitaux puissent adopter l’approvisionnement basé sur la valeur.

POLITIQUES DE REMBOURSEMENT

Pour stimuler l’innovation, il faut surmonter le dernier obstacle que représente le processus long et complexe pour obtenir le remboursement des nouvelles technologies. En effet, plusieurs années peuvent s’écouler avant que les équipes d’examen déterminent si un nouveau dispositif est admissible ou non à un remboursement, en fonction de l’ETS demandée par le gouvernement ou un hôpital. C’est sans mentionner qu’au Canada, contrairement au Royaume-Uni ou aux États-Unis, il n’y a aucune garantie de financement ou d’adoption pour les technologies faisant l’objet d’une recommandation. En plus de ne pas inciter les entreprises novatrices à intégrer de nouvelles technologies au sein du marché canadien, cela limite l’accès des patients à des soins qui pourraient améliorer les résultats. De nombreux exemples illustrent ce point, notamment le manque de financement pour la stimulation cérébrale profonde et l’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA)[xxvii], malgré les recommandations des organismes d’ETS.

Un autre produit qui a fait l’objet d’une recommandation des organismes d’ETS, mais qui n’a reçu aucun financement d’un gouvernement provincial, est la surveillance du glucose en continu (SGC) pour les personnes atteintes de diabète de type 1. Une mauvaise gestion du diabète peut notamment provoquer une cécité, des amputations, des cardiopathies et des maladies rénales, qui entraînent des coûts importants pour le système. Parmi les dépenses liées aux complications à long terme et aux visites à court terme à l’hôpital en raison d’événements hypoglycémiques, beaucoup pourraient être évitées grâce à des systèmes de SGC novateurs intégrés aux pompes à insuline. Toutefois, puisque les coûts à court terme de ces dispositifs peuvent être plus élevés que ceux des injections quotidiennes multiples, ils ne sont pas entièrement remboursés par les gouvernements provinciaux.

Contrairement à la SGC, les pompes à insuline en soi bénéficient d’un certain financement. Mais une fois qu’elles sont remboursées, il n’y a aucun suivi de la pompe, de ses résultats sur la santé, ni de l’amélioration de la vie du patient. Par conséquent, le fournisseur est payé, peu importe si le dispositif produit les résultats souhaités pour le patient (et le système de santé) ou non. Une politique de remboursement novatrice consisterait à offrir un niveau de remboursement en fonction des résultats.

Les innovations en matière de santé, si elles sont assimilées par le secteur public, peuvent constituer le point de départ pour surmonter les principaux défis en soins de santé et pour contribuer à la productivité économique[xxviii]. En outre, pour encourager les innovateurs et les attirer au Canada, il faut instaurer une politique qui encourage l’adoption des innovations, qui accélère leur diffusion et qui assure leur remboursement.

CONCLUSION

Les obstacles à l’innovation en santé au Canada semblent colossaux, mais ne sont pas voués à être permanents. Tous les principaux acteurs du système de santé, y compris les payeurs de services de santé gouvernementaux, les professionnels de la santé, les établissements de santé et l’industrie, ont un rôle essentiel à jouer dans la réforme à entreprendre, qui exigera de la créativité, de la confiance et de nouvelles façons de collaborer.

Toujours dans son article « Fighting Fragmentation in Healthcare: A Modest Proposition », Will Mitchell évoque le besoin urgent d’accroître la collaboration.

« Le fait d’intégrer les fournisseurs comme partenaires clés dans la création de valeur pour les patients et le système peut sembler controversé, mais si nous ne le faisons pas, nous tournons le dos à de vastes connaissances et à des occasions d’amélioration. En revanche, si les fournisseurs s’engagent plus activement en tant que partenaires de la chaîne de valeur, nous ferons des gains importants, bien que déstabilisants. » [traduction]

Si nous arrivions d’abord à accepter que tout le monde (y compris les innovateurs) poursuive le même objectif fondamental de soins de santé basés sur la valeur, soit d’améliorer les résultats sur la santé des patients et de réduire les coûts, et que nous entreprenions le démantèlement des barrières structurelles, nous pourrions alors également aborder la disponibilité de nos précieuses ressources humaines.

Les mesures globales doivent être soutenues par les gouvernements, car seuls ces derniers peuvent apporter les changements architecturaux nécessaires pour éliminer les barrières structurelles. Au Canada, les gouvernements doivent adopter des politiques d’innovation axée sur la demande, puisque celles-ci peuvent stimuler la demande nationale de solutions novatrices pour relever certains de nos plus grands défis en soins de santé. Ils peuvent commencer à le faire par les moyens suivants :

  1. Accroître la capacité du secteur public à assimiler l’innovation;
  2.  Mettre de l’avant des solutions novatrices pour aider à résoudre les enjeux de société;
  3. Encourager les consommateurs et les établissements à adopter les innovations qui peuvent contribuer à résoudre des enjeux de société;
  4. Favoriser l’innovation adaptée à l’utilisateur et qui répond aux besoins du marché tant du côté de la production que de la consommation.

Au Canada, il y a une soif de changement et une prise de conscience du fait que le programme actuel en matière de politique d’innovation, qui est axé sur l’offre, est inefficace. Le pays possède un important bagage d’expertise, de connaissances et de compétences techniques. Nous devons optimiser ces compétences afin que l’innovation gagne du terrain dans le marché des soins de santé public au Canada. En procédant ainsi, nous pourrons relever les défis en soins de santé au Canada et accroître la productivité économique et, par le fait même, regagner notre place de chef de file mondial dans le domaine des soins de santé.

 

RÉFÉRENCES:

[i][i] Sur Internet : https://www.zmescience.com/research/technology/smartphone-power-compared-to-apollo-432/.

[ii] S. Blank, « Why Companies do Innovation Theater Instead of Actual Innovation », Harvard Business Review, 2019. Sur Internet : https://hbr.org/2019/10/why-companies-do-innovation-theater-instead-of-actual-innovation.

[iii] D. Naylor et coll., Libre cours à l’innovation : Soins de santé excellents pour le Canada : Rapport du Groupe consultatif sur l’innovation des soins de santé, 2015. Sur Internet : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/systeme-et-services-sante/rapport-final-groupe-consultatif-innovation-soins-sante.html.

[iv] Données en dossier.

[v] Rapport du Commonwealth : « Health Care System Performance Ranking », 2017. Sur Internet : https://www.commonwealthfund.org/chart/2017/health-care-system-performance-rankings.

[vi] Conference Board du Canada, 2018. Sur Internet : https://www.conferenceboard.ca/press/newsrelease/2018/05/14/canada-falls-in-conference-board-s-innovation-rankings-as-weaknesses-persist.

[vii] Sur Internet : https://www.longwoods.com/content/25078/healthcarepapers/health-system-transformation-through-a-scalable-actionable-innovation-strategy.

[viii] Conseil des académies canadiennes, Comité d’experts sur l’état de la science et de la technologie et de la recherche-développement industrielle au Canada, Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation : L’état de la R-D au Canada, Ottawa, Conseil des académies canadiennes, 2018.

[ix] J. Elder, « Public procurement and innovation—Resurrecting the demand side », 2007. Sur Internet : http://dimetic.dime-eu.org/dimetic_files/EdlerGeorghiou2007.pdf.

[x] Commission européenne, Direction générale de la recherche et de l’innovation, Supply and Demand Side Innovation Policies: Final Report, Bruxelles, Commission européenne, février 2015.

[xi] J. Elder, « A Costly Gap: The Neglect of Demand Side in Canadian Innovation Policy », Institut de recherche en politiques publiques, 2019. Sur Internet : https://irpp.org/wp-content/uploads/2019/05/A-Costly-Gap-The-Neglect-of-the-Demand-Side-in-Canadian-Innovation-Policy.pdf.

[xii]  Sur Internet : https://research2guidance.com/why-germany-becomes-a-top-country-for-digital-health-solutions.

[xiii] Sur Internet : https://news.ontario.ca/mohltc/en/2019/11/ontario-expanding-digital-and-virtual-health-care.html.

[xiv] Sur Internet : https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2017/08/lunchtime-session.pdf.

[xv] T. Nuckels et coll., « What Value-based Payment Means for Academic Medical Centers », 2019. Sur Internet : https://catalyst.nejm.org/value-based-payment-academic-medical-centers/#reference26.

[xvi] K. Davis et S. Guterman, « Rewarding excellence and efficiency in medicare payments », The Milbank Quarterly, vol. 85, no 3 (2007), p. 449-468.

[xvii] R. Carter, B. Riverin, J. Levesque et coll., « The impact of primary care reform on health system performance in Canada: a systematic review », BMC Health Services Research, vol. 16, no 324 (2016), DOI :10.1186/s12913-016-1571-7.

[xviii] Britnell et Refsum, « Canada still at a crossroads », KPMG, 2019. Sur Internet : https://assets.kpmg/content/dam/kpmg/ca/pdf/2019/06/24149-igh-mark-britnell-book-v5-web.pdf.

[xix] Alberta Department of Treasury Board and Finance, Blue Ribbon Panel on Alberta’s Finances, Report and Recommendations Blue Ribbon Panel on Alberta’s Finances, 2019. Sur Internet : http://www.assembly.ab.ca/lao/library/egovdocs/2019/altrb/231673.pdf.

[xx] A. Tursunbayeva, « Human resource technology disruptions and their implications for human resources management in healthcare organizations », BMC health services research, vol. 19, no 1 (2019), p. 268.

[xxi] V. Govindarajan et R. Ramamurti, Reverse Innovation in Health Care: How to Make Value-Based Delivery Work, 2018.

[xxii] Sur Internet : https://healthydebate.ca/2018/09/topic/burnout-in-health-care.

[xxiii] W. Mitchell, « Fighting Fragmentation in Healthcare: A Modest Proposal », Rotman Management Magazine, 2019.

[xxiv] A. Peckham, D. Rudoler, D. Bhatia, S. Fakim, S. Allin et G. Marchildon, « Accountable Care Organizations and the Canadian Context », Toronto (Ontario), North American Observatory on Health Systems and Policies, Rapid Review, no 9 (2018).

[xxv] Sur Internet : https://www.mckinsey.com/industries/pharmaceuticals-and-medical-products/our-insights/the-european-public-procurement-opportunity-delivering-value-in-medtech.

[xxvi] Value-based Procurement: Knowledge, Guide, and Support for All in the Value Chain of Medical Technology. Sur Internet : https://www.nordicinnovation.org/sites/default/files/inline-images/Value-Based%20Procurement%20%28VBP%29%20in%20the%20Nordic%20countries.pdf.

[xxvii] Sur Internet : https://www.ices.on.ca/Publications/Journal-Articles/2019/October/Inequity-in-access-to-transcatheter-aortic-valve-replacement-a-Pan-Canadian-evaluation-of-wait-times.

[xxviii] J. Elder, « A Costly Gap: The Neglect of Demand Side in Canadian Innovation Policy », Institut de recherche en politiques publiques, 2019. Sur Internet : https://irpp.org/wp-content/uploads/2019/05/A-Costly-Gap-The-Neglect-of-the-Demand-Side-in-Canadian-Innovation-Policy.pdf.

 

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