Un dispositif électronique implanté d’environ la taille d'une pièce de deux dollars a aidé Deberah Witteveen à reprendre sa vie en main et à surmonter une maladie débilitante dont peu de gens veulent parler.
Après avoir souffert d'incontinence fécale chronique pendant 25 ans, cette résidente de Brantford, en Ontario, n’évite plus de sortir de chez elle par crainte d'un accident gênant. Elle n'a plus besoin de porter une couche pour adultes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et elle n'a plus à se demander constamment où se trouvent les toilettes les plus proches, juste au cas où ses intestins décideraient de lâcher sans prévenir.
« C'est énorme. Je suis tellement reconnaissante. Je suis tellement bénie, déclare la femme de 61 ans. C'est assez incroyable. C'est comme quelque chose dont vous aviez besoin mais dont vous ne saviez pas que vous aviez besoin jusqu'à ce que vous l'obteniez. Cela fait une grande différence dans ma vie. »
La liberté retrouvée de Witteveen est le résultat d'une intervention minimalement invasive, appelée la neuromodulation sacrée. Ce traitement est disponible depuis plus de 25 ans, mais il n'est pas encore largement proposé aux patients canadiens ni discuté couramment avec eux.
En septembre 2021, au Toronto Western Hospital, un neuromodulateur sacré InterStimMC de Medtronic a été implanté dans la partie supérieure de la fesse de Mme Witteveen. Ce minuscule transmetteur peut être décrit comme un stimulateur pour l'intestin ou la vessie.
Ce traitement de haute technologie cible les problèmes de communication entre les nerfs sacrés, qui contrôlent les voies de communication à la fonction de l'intestin et de la vessie, et le cerveau du patient. En cas de mauvaise communication entre le cerveau et les nerfs sacrés – situés près de l'extrémité du coccyx – des patients comme Mme Witteveen peuvent souffrir d'incontinence fécale ou urinaire. Pour corriger le problème, un neuromodulateur implanté administre de légères impulsions électriques pour rétablir une communication appropriée entre le cerveau et les nerfs sacrés, aidant ainsi les patients à reprendre le contrôle de leurs fonctions corporelles.
« C'est un traitement qui n'est pas très connu et on ne parle pas ouvertement de ces problèmes », explique le Dr Dean Elterman, chirurgien urologue, principale autorité canadienne en la matière et chirurgien principal pratiquant cette intervention à la clinique d'urologie du Toronto Western Hospital. « Beaucoup de gens éprouvent de la gêne à l’égard de ces problèmes. Ils n'en parlent pas à leur médecin. C'est une maladie très cachée. Beaucoup de gens souffrent en silence. »
En règle générale, la neuromodulation sacrée n'est recommandée qu'après que d'autres traitements, tels que les médicaments, l'exercice physique ou les changements de régime alimentaire, ont été jugés inefficaces. Mais en raison de la stigmatisation entourant l'incontinence et du manque de connaissances du public en général à l’égard de la neuromodulation sacrée, de nombreux patients attendent des années avant d'avoir accès à cette thérapie, ou n'y ont jamais accès.
Moins de dix hôpitaux au Canada pratiquent la neuromodulation sacrée et cette thérapie n'est pas disponible dans toutes les provinces et tous les territoires. Malgré le nombre important de personnes vivant avec une incontinence urinaire et fécale chronique, moins de 500 patients reçoivent le dispositif par année à l’échelle nationale. *En tant que centre spécialisé, le Toronto Western Hospital traite un grand nombre de ces cas, mais l’emplacement urbain de l’hôpital peut représenter un défi pour les patients habitant en région rurale.
Le Dr Elterman souhaiterait que l'accès à cette thérapie soit élargi et renforcé dans tout le pays, et qu'au moins un hôpital dans chaque province propose la neuromodulation sacrée aux patients.
« Le nombre potentiel de patients qui ont besoin de cette thérapie se chiffre à plusieurs dizaines de milliers au Canada. Le potentiel de croissance est énorme, déclare-t-il. Il s'agit d'une thérapie qui transforme la vie de ces personnes qui doivent porter des couches et qui retrouvent ensuite une vie normale. »
Un an après l’implantation de son dispositif, Mme Witteveen dit qu'elle ne pense pas consciemment au petit disque électrique inséré juste sous la surface de la peau, dans le bas de son dos, qui contrôle sa fonction intestinale.
« Il fait son travail, dit-elle. Il n'y a ni sons ni vibrations. C'est juste une sensation. Je sais juste quand je dois aller aux toilettes. »
La pile rechargeable du transmetteur InterStim de Medtronic implanté dans Mme Witteveen devrait durer jusqu'à 15 ans avant qu'elle ne doive être remplacée dans le cadre d’une autre intervention minimalement invasive.
Après des années d'isolement et d'incertitude quant à son propre corps, elle est reconnaissante d'avoir retrouvé sa qualité de vie.
« Ma vie a complètement changé, dit-elle. Je n'ai plus besoin de prévoir où se trouvent les toilettes. Je n'ai pas à planifier mon itinéraire. Je n'ai pas besoin de préparer un sac à couches. Je vis ma vie, tout simplement. C'est comme cela que c’est censé être. »
* Données en dossier sur l’utilisation